Shalom Salam Namaste: le yoga à l'honneur en Israël et dans le monde arabe
De nombreux Israéliens découvrent la discipline indienne directement dans son pays d'origine après l'armée
Vinyasa, yoga Sivananda, Ashtanga yoga, Iyengar yoga et odeurs d'encens… A l'occasion de la Journée internationale du yoga, plus de 2.000 personnes se sont réunies mercredi 21 juin à Tel-Aviv pour un grand événement, qui a permis comme chaque année depuis trois ans de célébrer, découvrir ou redécouvrir cette discipline traditionnelle indienne prônant la paix et l'harmonie.
Des cours de yoga collectifs ainsi que des danses, des conférences et des spectacles ont été organisés sur la célèbre place Rabin en présence d'enseignants originaires d'Israël mais aussi d'Inde. Particularité de cette année: elle a été marquée par le 25ème anniversaire des relations diplomatiques entre les deux pays, une opportunité unique de rassembler les adaptes israéliens de cette discipline devenue si populaire.
"Dans les pays Occidentaux, y compris en Israël, le yoga est principalement envisagé comme un exercice physique, mais le yoga c'est beaucoup plus que cela. C'est un mode de vie, c'est l'union de l'esprit, du corps et de l'âme dans le but de vivre une vie holistique, pour être profondément connectée intérieurement tout en continuant à accomplir vos obligations quotidiennes de manière plus productive et plus pacifique", a expliqué à i24NEWS le Dr. Anju Kumar, ambassadrice adjointe de l'ambassade d'Inde en Israël.
Il y a environ 80.000 Juifs d'origine indienne, qui sont totalement assimilés dans la société israélienne. Or, la relation entre l'Inde et Israël passe indéniablement par l'intérêt que porte les jeunes israéliens à ce pays après l'armée. Chaque année des milliers de jeunes femmes et jeunes hommes partent découvrir ce continent après avoir effectué deux à trois ans de service militaire.
"Israël est un endroit très complexe avec un niveau de stress très élevé. A un très jeune âge, les Israéliens vont servir leur pays à l'armée et après ils souffrent de nombreuses tensions dans leur vie. Aussi, beaucoup d'entre eux choisissent l'Inde comme destination pour se décharger de tout le stress qu'ils ont accumulé dans leurs organismes", explique Maya Gross, responsable du studio Ashtanga Yoga Tel-Aviv.
Selon elle, une pratique constante du Yoga Ashtanga apporte de nombreux bénéfices du point de vue physique, mental, émotionnel et spirituel. "J'ai découvert le guru du yoga Ashtanga à Mysore en 2005. Après avoir reçu cette connaissance à la source, cela m'a transformé à tant de niveaux que je n'ai pas été capable de retrouver cela ailleurs", a-t-elle raconté à i24NEWS.
De nombreux Israéliens découvrent donc la discipline directement dans son pays d'origine. C'est le cas de Yossi, qui a commencé à s'intéresser au yoga à Varanasi, ville sacrée située sur la rive gauche du Gange, en voyant quelqu'un le pratiquer alors que lui n'en avait aucune connaissance.
Curieux, il a simplement demandé à l'époque: "pourquoi font-ils cela? Qu'est-ce que c'est?" Et on lui a expliqué: "c'est Surya namaskara (salutation au soleil)", la base du yoga. À partir de ce moment, il a commencé à chercher à accroître ses connaissances, jusqu'à ce qu'il aille suivre une formation de professeur de yoga de Sivananda en Inde.
Et quand on l'interroge sur la relation entre le judaïsme et le yoga, il déclare que "je ne sais pas s'ils sont connectés, mais pour moi toutes les religions sont les mêmes".
"Elles ne sont que des façons différentes d'atteindre le même but. Dans l'hindouisme et le judaïsme, par exemple, nous croyons que ce corps est comme une 'cape'. Il n'est pas réel. Ce qui est réel, c'est l'âme, ce qui se trouve à l'intérieur et c'est aussi ce que le yoga vous enseigne. Lorsque vous commencez à pratiquer les asanas (postures) et le pranayama (exercice de respiration), vous commencez à atteindre la réalisation de l'âme sous sa forme la plus authentique", souligne-t-il.
En effet, le yoga n'est pas culturellement limité: le maître spirituel hindou Shivananda disait de la pratique qu'elle est "purement spirituelle et universelle" et qu'il peut être pratiqué aussi bien par un chrétien ou un bouddhiste, un musulman, un soufi ou un athée.
Shalom, Salam, Namaste
Pas si loin de Tel-Aviv, dans les pays arabes, la pratique du yoga se développe elle aussi. De nombreux studio voient le jour comme à Dubaï, en Jordanie, en Cisjordanie, au Liban et en Egypte. Divers studios comme Ashtanga yoga Cairo, Beit Mysore à Ramallah ou encore yoga Souk Beirut proposent des cours dans la pure tradition indienne.
Fidèle, comme Maya, à l'héritage de son fondateur Sri K. Pattabhi Jois, Olivier David étudie et enseigne la pratique du yoga Ashtanga depuis plus de 10 ans. Il a voyagé dans de nombreux pays dont plusieurs pays arabes. Après être venu enseigner en Israël il y a quelques années, c'est à Beyrouth que l'a conduit son dernier périple.
"Tout le monde pense au Liban comme un pays arabe, mais par rapport à d'autres pays arabes dans lesquels je suis allé, j'ai trouvé Beyrouth très libérale. Il est très rare de voir par exemple un hijab ou une burka. Les femmes s'habillent comme à Tel Aviv", affirme Olivier.
"De plus, beaucoup de Libanais sont offensés quand on les appelle des 'arabes'… Ils se considèrent comme des descendants des Phéniciens. Et en toute honnêteté, Beyrouth est très similaire à Tel-Aviv et les Libanais ressemblent beaucoup aux Israéliens", ajoute-t-il.
En ce qui concerne la pratique du yoga, il n'existe pas selon lui de différence dans le Shala (la salle de yoga), et cela peu importe l'endroit où on se trouve dans le monde.
"La chose principale que nous avons en commun est la quantité de stress et de stimuli auxquels nous sommes tous exposés et c'est pourquoi nous venons à pratiquer le yoga. Cela rassemble le monde car chacun est mis à nu et exposé, émotionnellement et mentalement. Nous sommes décomposés pour ensuite apprendre à se reconstruire soi-même", affirme-t-il.
Contrairement aux idées reçues, le yoga est donc avant tout une discipline spirituelle. Dans le système de l'Ashtanga par exemple, les Yamas et les Niyamas (règles de vie morale) sont d'après les Yoga Sūtra de Patañjali - qui a codifié cette pratique - les deux premiers membres du yoga. Parmi les Yamas figurent notamment la non-violence, principe qui permet ainsi de transcender toutes les animosités.
"Le yoga est fait pour la connaissance de soi, pas seulement pour se sentir bien. La connaissance de soi consiste à se confronter à toutes nos qualités, pas seulement celles que nous trouvons agréables. La non-violence, 'ahimsa' s'applique à soi-même et donc aussi aux autres. Et à mon avis, cela est politique et doit faire partie de la discussion", explique à i24NEWS la responsable du studio Ashtanga yoga Cairo en Egypte.
"Je ne vois pas l'Inde ni les États-Unis comme plus éclairés ou moins violents que les pays arabes. La seule similitude dont nous pouvons parler est que nous sommes tous humains et avons besoin de pratiquer l'humanité. Nous devons être conscients et rejeter le discours qui divise en décrivant (le monde en terme de) soi-même et 'l'autre'", ajoute-t-elle.
La paternité de cette célébration, qui prend place chaque année partout dans le monde de Paris à Times-Square, revient au Premier ministre hindou Narendra Modi. En 2015, il avait demandé que le 21 juin soit déclarée la journée internationale du yoga en raison de son "message universel pour tous". Cent soixante-dix-sept pays avaient coparrainé la résolution soumise au vote de l'Unesco.
"C'est le patrimoine ancien de l'Inde, mais nous sommes heureux de le partager avec tout le monde parce qu'il est utile pour tous", a fait remarquer en souriant madame l'ambassadrice adjointe.
Nathalie Boehler est journaliste et rédactrice Web pour le site internet français de I24NEWS.