Princesse Kate et Hasbara, même combat : quand des erreurs de communication font trébucher
La récente débâcle autour de la santé de Kate prouve qu’en matière de communication, il vaut mieux ne pas être en défense
Commençons par un aveu : je suis fan de la famille royale. Totalement groupie. Je lis tout, je sais tout. Mais nul besoin d’être passionné comme moi pour avoir entendu parler de la récente polémique autour la princesse de Galles, née Kate Middleton.
Récapitulons. Début janvier, le palais annonce que Kate a subi une opération abdominale et, qu’après un long séjour à l'hôpital, elle continuera sa convalescence chez elle, avec une reprise d’engagements à la fin du mois de mars uniquement, soit une absence de trois mois. Et de demander de respecter sa vie privée, merci bien, circulez. Aucun commentaire sur la nature précise de la maladie affectant la princesse de 42 ans, et pas une seule photo au sortir de la clinique. Silence radio.
Il n’en faut pas moins pour qu’une tornade de spéculations s'abatte sur les réseaux sociaux. Jusqu'à cette photo mal retouchée publiée à l’occasion de la Fête des mères britannique qui achève de mettre le feu aux poudres. Les grandes agences de presse retirent le cliché de leurs bases de données, au motif qu’il n’est pas vérifiable. Des médias américains des plus sérieux se demandent si Kate a, au mieux, divorcé du prince William, au pire, disparu de ce monde. Un véritable cirque. Jusqu’à ce que la princesse publie une vidéo dans laquelle elle explique s’être fait retirer une tumeur, qui s'est depuis avérée maligne, et annonce qu'elle a entamé une chimiothérapie. La vidéo en question a été vue des centaines de millions de fois (une fascination très partagée, donc!), et les colporteurs de ragots ont, pour la plupart, présenté leurs plates excuses.
Fort bien, me direz-vous, mais quel rapport avec la hasbara ? On y vient
Ce qui n'empêche un sous-courant sur les réseaux sociaux de continuer à prétendre que la vidéo a été réalisée par intelligence artificielle, et que le mystère de l’absence de Kate reste entier. Et ce qui n'empêche pas, surtout, un sérieux coup de canif dans la crédibilité du palais, et une bien plus grande suspicion désormais de la part des grands médias quant à la communication de la famille royale.
Fort bien, me direz-vous, mais quel rapport avec la hasbara ? On y vient. Comment une institution, a priori rodée aux relations publiques, a-t-elle échoué à ce point ? La réponse tient en deux points. D’une part, le fameux motto Never complain, never explain des Windsor est nettement moins adapté à l’époque des réseaux sociaux. Ne pas donner de nouvelles pendant trois mois, est, de facto, devenu impossible pour une personnalité publique. La "firme" britannique a pour stratégie de ne jamais répondre aux critiques, émaneraient-elles de Californie, préférant se focaliser sur ses projets caritatifs et ses tenues d’apparat.
Et c’est là que le bât blesse pour le palais… comme pour Israël. L’Etat hébreu est lui aussi victime d'une campagne négative depuis des années. Sans réellement réagir.
Au quotidien, la plupart des Israéliens haussent les épaules quand on leur parle d’apartheid, parce qu’ils connaissent eux, la réalité de la coexistence judéo-arabe sur le terrain et que tout cela leur parait absurde. De même pour le mouvement d’implantations, dont ils connaissent les nuances idéologiques, territoriales et sécuritaires. Pourquoi perdre son temps ? Voyez plutôt nos victoires à l'Eurovision, nos startups et nos belles plages.
Au 21e siècle, une famille d’aristocrates tirant sa légitimité du droit divin va avoir besoin d’une excellente stratégie de communication pour proposer un récit cohérent
Sauf que les mêmes causes produisent les mêmes effets. Ignorer les mauvaises langues fonctionne à peu près en temps normal. Mais lorsque la crise arrive, telle une guerre ou une longue absence inexpliquée, il est déjà trop tard. Discrédité, sommé de s’expliquer, l’accusé ne pourra jouer que sur la défensive. Une tâche autrement plus difficile. La preuve, s’il en faut, qu’en termes de relations publiques, il faut toujours être à l’offensive.
Surtout, et c’est le second point commun entre Israël et la famille royale, lorsqu’on représente un sujet déjà assez hors-normes, aussi fascinant que polarisant.
Au 21e siècle, une famille d’aristocrates tirant sa légitimité du droit divin va avoir besoin d’une excellente stratégie de communication pour proposer un récit cohérent. Idem pour un peuple indigène ayant traversé les siècles pour enfin retourner sur la terre dont il a été séparé il y a deux mille ans. Ce ne sont pas des thématiques habituelles, facilement explicables. Il faut sans doute être assez traditionnel ou romanesque pour les apprécier instinctivement. D’autres publics seront moins aisément convaincus. Ce qui ne signifie pas qu’ils sont hors de portée, mais qu'ils nécessitent démonstration. Et surtout, une réponse crédible et immédiate lorsque des accusations néfastes sont portées. Quitte à passer à l’attaque.
Les Israéliens n’ont jamais voulu s’abaisser aux tactiques parfois très douteuses des stratèges de la communication palestinienne
Futur roi, le prince William n’a jamais daigné répondre aux accusations de son frère. Avec pour résultat d’avoir conservé les royalistes de son côté, mais pas forcément le reste du monde.
Les Israéliens n’ont jamais voulu s’abaisser aux tactiques parfois très douteuses des stratèges de la communication palestinienne. Ils n’ont pas la même énergie vindicative, ils investissent leurs efforts ailleurs, avec des résultats par ailleurs très positifs pour l’économie israélienne - mais pas assez efficaces pour leur image. Il est largement temps de passer à l’offensive. De discréditer avec force les accusateurs, mais surtout de proposer une communication convaincante en amont, pour des résultats sur le long terme. Si cette stratégie fonctionne pour un pays comme le Qatar, Israël en est aussi largement capable.