Juifs orientaux en Israël : entre mythe de l'âge d'or et réalités politiques
L'écrivain Daniel Bensoussan-Bornstein conteste le mythe de "l'âge d'or" judéo-musulman.


Daniel Bensoussan-Bornstein, auteur de "La question séfarade, de la Dhimma à la colonisation, une mémoire qui dérange", était l'invité d'i24NEWS pour analyser la place complexe des Juifs orientaux dans la société israélienne contemporaine.
L'écrivain, d'origine mixte nord-africaine et polonaise, conteste le mythe de "l'âge d'or" judéo-musulman. Selon lui, cette vision idéalisée des relations historiques entre Juifs et musulmans relève d'une construction idéologique contemporaine, particulièrement présente dans les universités américaines. "On prend des bouts d'histoire et on en fait une lecture globale essentialisante", explique-t-il, citant l'exemple de David Wasserstein qui, dans son ouvrage "How Islam Saved Judaism", ne retient que les épisodes favorables aux Juifs tout en occultant les massacres des tribus juives d'Arabie.
Cette réécriture de l'histoire vise, selon Bensoussan-Bornstein, à proposer une alternative crédible à l'État d'Israël. Les post-colonial studies américaines promeuvent l'idée que "tout était harmonie avant" la création d'Israël, permettant de justifier un État unique où Juifs et Arabes cohabiteraient pacifiquement.
Dans la société israélienne actuelle, l'identité mizrahi (orientale) est devenue dominante démographiquement. Plus de la moitié des Israéliens ont un parent ou grand-parent originaire des pays arabes ou musulmans. Cette réalité sociologique se traduit politiquement : 72% des Juifs d'origine orientale se définissent comme de droite, contre 58% des Juifs ashkénazes.
L'auteur dénonce l'instrumentalisation de cette fracture par la droite israélienne, notamment lors des débats sur la réforme judiciaire. Des figures comme Miri Regev utilisent le discours victimaire du "peuple du second Israël" contre l'establishment ashkénaze pour légitimer leurs positions politiques.
Paradoxalement, cette même rhétorique se retrouve chez certains opposants arabes à Israël, comme l'intellectuel marocain Abdallah Baroudi qui reprochait en 1991 au roi Hassan II d'avoir "laissé partir les plus fanatiques" vers Israël.
Pour Bensoussan-Bornstein, le véritable clivage de demain ne sera plus interne à la société israélienne, mais opposera cette dernière aux nouvelles générations du judaïsme américain, où 30 à 40% des jeunes Juifs expriment de la sympathie pour le Hamas, influencés par les théories décoloniales universitaires.