Sans interdit sur i24NEWS: la coalition au pouvoir fait-elle souffler un vent nouveau sur Israël ?
"La seule chose qui soude ce gouvernement ce sont les ennemis extérieurs"
Dans l’émission Sans interdit, Valérie Abécassis et ses invités ont tenté de dresser le premier bilan de la coalition gouvernementale en Israël, qui vient de passer le cap crucial des 100 premiers jours au pouvoir. Un vent véritablement nouveau souffle-t-il dans le pays ?
Le journaliste Emmanuel Halperin porte un jugement particulièrement sévère sur la nouvelle coalition. Il affirme que son hétérogénéité est la manifestation d’un grand "n’importe quoi" lié à un véritable "délaissement des idéologies ».
D’après lui, à partir du moment où l’extrême gauche et l’extrême droite s’allient, la politique menée ne peut être qu’une politique du juste milieu, vide de sens et inefficace. "En politique il faut choisir, avoir un point de vue", assène-t-il.
Le journaliste se montre particulièrement critique de la notion de gouvernement d’union nationale mise en avant par Naftali Bennett dans son allocution à la tribune de l’ONU le mois dernier, ceci alors que la moitié des électeurs du pays ont voté pour un parti d’opposition.
Plus que tout, il pointe la précarité d’une coalition dont la seule raison d’être et le seul ciment résident dans le "tout sauf Bibi". "Ce gouvernement a toutes les raisons de se casser la figure mais il restera en place tant qu’il faudra contrer Benyamin Netanyahou", assure-t-il, affirmant qu’un changement à la tête du Likoud entraînerait automatiquement la chute de la coalition.
Une analyse que partage Elie Chouraqui. "La seule chose qui soude ce gouvernement ce sont les ennemis extérieurs, les dangers aux frontières. Et c’est très dangereux car on ne peut pas compter sur ses ennemis pour être rassemblés : il faut au contraire être rassemblés pour contrer ses ennemis", pointe-t-il.
Selon lui, le seul bienfait de ce gouvernement réside dans le fait d’apporter un changement dans le pays : il assure que les hommes qui restent trop longtemps au pouvoir tel Benyamin Netanyahou finissent par s’user, ce qui n’est pas sain pour la démocratie.
Emmanuel Halperin est particulièrement pessimiste concernant la marge de manœuvre de la coalition. Il affirme que son caractère particulièrement hétérogène ne lui permettra de prendre aucune décision importante. S’il conserve pour sa part un certain optimisme sur la question, Elie Chouraqui constate qu’aucune véritable réforme n’a encore été entreprise. "Malgré du sang neuf, on ne sent pas encore l’exaltation d’un monde nouveau qui est en train de naître", dit-il, affirmant que Naftali Bennett et Yaïr Lapid doivent faire preuve de courage, voire de témérité, pour insuffler de vrais changements.
Cette paralysie de la coalition devrait selon eux être particulièrement visible sur le dossier palestinien. Si Emmanuel Halperin admet qu’on ne peut trouver de solution pérenne au conflit dans l’état actuel des choses, il dénonce la mise à l'index pure et simple de la question par Naftali Bennett à la tribune de l’ONU. Et affirme que les compromis économiques instaurés par la coalition dans la bande de Gaza en échange de la paix cherchent en un sens à masquer cette incapacité du gouvernement à trouver des solutions de fond.
Elie Chouraqui dit espérer toutefois que Yaïr Lapid et Naftali Bennett sauront taper du poing sur la table face au Hamas et instaurer des limites claires, notamment pour ce qui est du transfert des fonds qataris qui servent à alimenter le terrorisme, dit-il.
Arié Bensemhoun, directeur exécutif du think tank Elnet, se veut plus mesuré face à la nouvelle coalition, affirmant qu’il se pourrait qu’elle soit un succès, et qu’elle inspire même d’autres pays en proie à des blocages politiques. Selon lui, elle est avant tout l’expression d’une démocratie qui se porte bien, et se doit d'être saluée comme telle.
Il indique également qu’elle est en voie d’initier un changement de perception par rapport à Israël dans beaucoup de pays européens, notamment en France. "Nous avons récemment accompagné une délégation de parlementaires en Israël qui se sont montrés particulièrement enthousiastes face au pays", relate-t-il.
Si le philosophe Raphaël Zagury-Orly, auteur du "Dernier des sionistes", regrette pareillement l’absence de réformes menées par la coalition à ce jour, notamment au niveau socio-économique ou sur la question palestinienne, il se félicite toutefois du changement de climat politique "fondamental" apporté par le nouveau gouvernement.
"Sous l’ère Netanyahou, il y avait un climat qui incitait à la suspicion, à la haine et donc à la construction de la figure du traître", assure-t-il. "Mais aujourd’hui, nous avons l’impression que les efforts sont concentrés sur les dénominateurs communs et sur l’action pragmatique. Il y a une impression de plus grand calme et de sérénité", poursuit-il, soulignant que. les notions d’institutions ou de dialogue avec le public avaient repris un sens.