La Cour suprême gèle le limogeage du chef du Shin Bet
Plusieurs ministres ont exprimé leur indignation ouvrant la voie à un bras de fer entre pouvoirs exécutif et judiciaire


Au lendemain de la décision gouvernementale entérinant le limogeage de Ronen Bar, le chef du Shin Bet, la Haute Cour de justice israélienne a émis ce vendredi une ordonnance de suspension temporaire, à la suite de requêtes déposées par plusieurs partis d'opposition contre cette destitution. La juge Gila Kanfi Steinitz, signataire de cette décision, a justifié cette mesure par la nécessité "d'empêcher la création d'un état de fait irréversible" avant l'examen des requêtes.
La magistrate a également programmé une audience devant un panel élargi "dès que possible et au plus tard le 8 avril 2025", soit avant la date fixée par le gouvernement pour mettre fin aux fonctions du directeur du Shin Bet, ce qui réduit l'impact immédiat de la décision gouvernementale.
Cette intervention judiciaire a suscité la colère au sein du gouvernement. Le ministre des Communications, Shlomo Karai, a vivement contesté la légitimité de cette décision, déclarant à la juge Kanfi-Steinitz : "Vous n'avez aucune autorité légale pour intervenir dans cette affaire. C'est l'autorité du gouvernement et la sienne seule. Votre ordre est invalide." Même réaction du ministre des Finances Betsalel Smotrich qui a déclaré que "la cour suprême n'imposerait pas sa loi". Quant à Itamar ben Gvir, tout juste revenu au gouvernement, il a appelé à une réforme judiciaire immédiate.
Les leaders des manifestations contre le gouvernement menées depuis l'annonce de la destitution du chef du Shin Bet ont, eux, salué cette décision : "Nous saluons l'arrêt de cette action manifestement illégale. Le temps est venu de rendre le pouvoir au peuple."
Cette nouvelle confrontation entre le pouvoir judiciaire et l'exécutif israélien s'inscrit dans un contexte de tensions institutionnelles persistantes, alors que le pays fait face à des défis sécuritaires majeurs.
Le gouvernement israélien a officiellement entériné la destitution de Ronen Bar jeudi, à l'issue d'un vote à l'unanimité, lors d'une réunion ministérielle tendue qui s'est prolongée tard dans la nuit de jeudi. Selon un communiqué du bureau du Premier ministre, "Ronen Bar quittera ses fonctions le 10 avril, ou lorsqu'un nouveau directeur permanent sera nommé, selon la première éventualité."
Dans un geste révélateur des tensions sous-jacentes, Ronen Bar a choisi de ne pas participer à cette réunion cruciale, préférant adresser aux ministres une lettre virulente dans laquelle il dénonce avec force les accusations portées contre lui.
"Les allégations me concernant sont fondamentalement infondées et servent de façade à des motivations complètement différentes, étrangères et profondément erronées," a-t-il déclaré dans son courrier. Il a également souligné que cette procédure contrevenait aux dispositions légales et réglementaires en vigueur.
Le chef des services secrets intérieurs évoque également dans sa missive l'affaire du "Qatargate" et son éviction de l'équipe négociant la libération des otages. Il qualifie l'ensemble du processus ayant mené à son renvoi de "manifestement prémédité" et dénonce des "allégations sans fondement" qui ne seraient qu'un prétexte pour "entraver la capacité du Shin Bet à remplir sa mission institutionnelle conformément à la loi".
Les partis d'opposition Yesh Atid , le Camp d'Etat, Israël Beiteinu et les Démocrates ont ce vendredi une requête auprès de la Haute Cour de justice contre la décision du gouvernement de démettre de ses fonctions le directeur du Shin Bet. La pétition affirme que "cette décision a été prise dans le contexte d'un grave conflit d'intérêts par le Premier ministre, sur la base de considérations étrangères liées aux enquêtes du Shin Bet sur le bureau du Premier ministre, et à la position récemment publiée par le Shin Bet selon laquelle l'échelon politique porte la responsabilité de la tragédie du 7 octobre".