La demande de grâce d'Eichmann au président israélien Ben Zvi: "je n'étais qu'un instrument"

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Le criminel de guerre nazi Adolf Eichman lors de son procès à Jérusalem en 1961
Ministère israélien de la JusticeLe criminel de guerre nazi Adolf Eichman lors de son procès à Jérusalem en 1961

Des lettres inédites en faveur d'un des architectes de la "Solution Finale" présentées dans une exposition

Le célèbre criminel de guerre nazi Adolf Eichmann, qui a été enlevé par des agents israéliens à Buenos Aires en 1960 , ramené à Jérusalem où il a été jugé et condamné à mort en 1961 et finalemenT pendu en Israël un an plus tard, avait fait appel à la clémence de président israélien de l’époque, Yitzhak Ben Zvi, quelques jours avant sa mort, révèlent de nouveaux documents rendus publics pour la Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l'Holocauste.

La correspondance inédite entre Eichmann et son avocat, ainsi qu’entre plusieurs membres de sa famille et le président israélien seront présentées mercredi à la résidence du président israélien dans le cadre d’une exposition spéciale à l'occasion des 55 ans du procès Eichmann.

L'Obersturmbahnführer SS Adolf Eichmann a été un des artisans de la "Solution Finale" qui a mené à l'extermination systématique et industrielle de 6 millions de Juifs, dont 1,5 millions d'enfants par le régime nazi et ses collaborateurs en Europe.

La dernière lettre d'Eichmann, ainsi que les appels interjetés par son avocat et sa famille seront présentés pour la première fois lors de l'exposition.

Government Press Office
Government Press OfficeAdolf Eichman sent a handwritten letter to then-Israeli President Yitzhak Ben-Zvi, urging him to grant him clemency May 29, 1962

L'appel d'Eichmann, rédigé en allemand et traduit en hébreu, exhorte le président israélien Ben Zvi à lui accorder la grâce. Dans sa lettre, il estime que le tribunal israélien chargé de le juger a exagéré son rôle dans l'organisation de la logistique de la "solution finale" d'Adolf Hitler,

"On doit distinguer les chefs responsables des personnes comme moi qui ont été forcées de servir comme de simples instruments entre leurs mains", déclare Eichmann dans cette lettre, dont le bureau du président Rivlin a cité des passages.

"Je n'étais pas un chef responsable, et je ne me sens ainsi pas coupable", ajoute-t-il, niant avoir eu un rang assez élevé dans la hiérarchie nazie pour avoir indépendamment commis des actes contre les Juifs, citant un manque de promotion aux échelons supérieurs comme "preuve" de son rôle mineur dans la Shoah.

“Si, comme les juges le supposent, j’avais fait preuve d’un excès de zèle dans la persécution des Juifs, cela ce serait traduit en promotions et autres avantages”, plaide Eichmann. "Mais je ne bénéficiais pas d'avantages."

Bureau du président israélien
Bureau du président israélienTraduction anglaise de la lettre du criminel nazi Adolf Eichmann adressée au président israélien Yitzhak Ben-Zvi le 29 mai 1962

Eichmann fait aussi écho à la réponse populaire parmi les anciens officiers nazis en insistant sur le fait qu'il n'a donné aucun ordre de sa propre initiative, mais seulement suivi les ordres reçus de ses supérieurs.

“Je déclare une fois de plus”, poursuit-il "que je déteste les abominations commises contre les Juifs, qui ont été le plus grand des crimes, et considère qu'il est juste que les auteurs de ces atrocités soient tenus responsables, maintenant et dans l'avenir."

Il plaide pour la nécessité de "tracer une ligne entre les dirigeants responsables", et les gens, comme lui, "qui sont tout simplement devenus des instruments du régime" Il conclut que puisqu'il n'a pas été “un leader responsable” de ses actes, il ne peut "pas se considérer coupable."

Adolf Eichmann
Adolf Eichmann

"Je ne peux pas reconnaître le jugement de la cour comme juste et je vous demande, (...) monsieur le président, que vous exerciez votre droit à accorder une grâce, et que vous ordonniez que la peine de mort ne soit pas appliquée".

L'appel, envoyé le 29 mai 1962, se termine par un plaidoyer au président d'Israël de l'époque pour lui demander sa clémence.

La lettre d'Eichmann au président Ben Zvi faisait suite au rejet d'une demande officielle de grâce envoyée plus tôt par son avocat, Robert Servatius, ainsi qu’au rejet d'une requête en sursis d'exécution.

Dans sa lettre à Ben Zvi, Servatius avait fait valoir qu’Eichmann ne pouvait pas être tenu responsable. Un “individu seul ne peut pas racheter l’ensemble des événements politiques dont les atrocités devront être expiées par toute la nation allemande", maintenait-il.

Des appels à la clémence ont également été envoyés d’Allemagne au président israélien par l'épouse et les frères et sœurs d'Eichmann.

Vera Eichmann a fait un appel désespéré par télégramme à Ben Zvi dans la semaine précédant la mort de son mari. “En tant que femme et mère de quatre enfants, je demande à Votre Excellence la vie de mon mari”, a-t-elle plaidé.

Tous les appels ont été vains. Eichmann a été pendu dans la prison Ayalon en Israël quelques minutes après minuit le 1er juin 1962.

Ses cendres ont été jetées en Méditerranée hors des eaux territoriales d'Israël pour ne souiller aucune parcelle de l'Etat hébreu.

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