Sans interdit: "Le parti socialiste tel qu'il a été est fini" (Julien Dray)
"La gauche, totalement éparpillée, risque d'être spectatrice du débat politique, mais elle a toute sa place"
De SOS Racisme au "wokisme", que sont nos idéaux devenus? se sont interrogés dimanche Valerie Abecassis et Elie Chouraqui lors de la Première de "Sans interdit", tandis qu'Abel Quentin, invité de l'émission, a décrit dans son livre "Le Voyant d'Étampes", "un pays en déliquescence qui trouve ses racines dans les années 80", évoquant la France.
"On ne peut pas juger une période comme une continuité linéaire et penser que la vie n'est qu'une ligne droite", a défendu Julien Dray, président de la cellule prospective du parti socialiste, et l'un des fondateurs de SOS Racisme.
"Nous voulions unir, mais les aspirations de SOS Racisme n'ont pas trouvé de débouchés et les ghettos se sont formés", a-t-il déploré, accusant "l'islamisme radical qui a énormément pesé sur le processus d'intégration et d'assimilation".
"La vie s'est instaurée dans les ghettos, et on est loin de ce à quoi aspirait SOS Racisme", a insisté M. Dray, qui blâme "l'incapacité de la gauche qui n'a pas fait ce qu'on espérait, c'est à dire empêcher la constitution des ghettos".
Courant universaliste et offensive islamiste
Interrogé sur l'idéal des années 80 "qui a abouti au racisme, à l’antisémitisme et aux assassinats", Julien Dray a répondu en deux volets.
"C'est l'échec d'une politique qui n'a pas trouvé les débouchés nécessaires en termes de mesures et la modification des choses - tandis que l'idéal dans les années 80 c'était l'assimilation à la société française", a-t-il assuré.
"Mais l'islamisme s'est interposé, s'est construit sur le terreau de la ghettoïsation et de la misère, face auquel il n'y a pas eu la réponse nécessaire", a-t-il poursuivi.
Abel Quentin a de son côté jugé que l'échec venait d'une "naïveté" de la part de l'association française créée en 1984, et d'une "stratégie qui a consisté à s’accommoder de la petite musique communautaire".
M. Dray a contesté cette théorie affirmant s'être exprimé notamment contre le port du voile, reconnaissant toutefois que "l'offensive communautaire n'a pas été assez combattue à travers la laïcité par exemple".
Quant au "wokisme", qui est né aux États-Unis "au sein d'une société anglo-saxonne qui est communautaire contrairement à la France où la société est républicaine, il n'a rien à voir avec SOS Racisme".
Elie Chouraqui a lors de l'émission appelé la gauche à "réagir" quand il y a "des événements essentiels", tels que "des imams autoproclamés qui viennent embarquer des enfants pour le Jihad".
"Mais le courant universaliste a subi le contre coup de l'offensive islamiste", a reconnu Julien Dray. "Le parti socialiste tel qu'il a été est fini, et il faut redonner place à ce courant qui est républicain et universaliste".
Le rejet des structures partisanes habituelles
"La gauche aujourd'hui est totalement éparpillée et risque d'être spectatrice du débat politique, pourtant elle a toute sa place", a-t-il martelé, estimant qu'il y a une refondation nécessaire d'un courant idéologique qui ne sera pas le parti socialiste d'hier".
Selon Victor Woillet, du blog "Le vent se lève", "la division entre la gauche et la droite a laissé place à quelque chose de nouveau, une opposition entre ceux d'en bas et ceux d'en haut, et le rejet de la gauche socialiste qui a abandonné une partie des classes populaires".
"Les gilets jaunes et les marches pour le climat, c'est véritablement un rejet des structures partisanes habituelles et de leur impuissance politique", a-t-il affirmé.
"Aux dernières élections, on a eu une abstention massive et un retour à la gauche historique n'est pas une solution qui convient", a-t-il indiqué, "il faut un récit nouveau pour rompre avec l'hégémonie néo-libérale qui se désagrège comme on le voit maintenant depuis plusieurs années".
Déjeuner "avec un nazi"
Elie Chouraqui a pour sa part suggéré que la candidature d'Eric Zemmour, qui n'a pas encore été annoncée, pourrait être "salvatrice" et apporter à la campagne présidentielle "quelque chose qui a manqué à la France aux dernières élections, une réflexion".
"C'est une boule dans un jeu de quilles, qui étaient bien droites depuis des décennies", a-t-il dit.
Mais "il y a quelque chose qui n'est pas acceptable, pour vous, pour moi, pour tous ceux qui nous regardent, un Juif qui accepte de manger avec un nazi, ça c'est plus un débat politique", répond Julien Dray, faisant référence au déjeuner du polémiste partagé avec la fille de Joachim von Ribbentrop.