Élections législatives : La Ve République sur un baril de poudre
Le président Instagram enchaîne les stories les unes après les autres. On retient son souffle en attendant les prochains épisodes. Emmanuel Macron ne recule devant rien
L'onde de choc de la dissolution décidée sur une pulsion puérile d'hubris du président Macron, dimanche 9 juin, n'en finit pas de se répandre.
Décision hâtive, solitaire, irraisonnée : plusieurs qualificatifs sont déjà candidats pour entrer dans l'histoire et expliquer cet épisode aux générations futures. Vous avez aimé « l'expérimentation hasardeuse » de Jacques Chirac (l'expression est de Lionel Jospin) en 1997, vous adorerez la dissolution pour convenance personnelle de Macron en 2024.
Les experts de la Ve République ne s'y trompent pas : en appuyant sur le bouton de la bombe nucléaire politique, le président français prend le risque de pulvériser la Ve République qui est construite pour deux blocs qui alternent et non pour trois camps bloqués. Réponse définitive le 7 juillet à 20h.
D'ici là, la campagne dite de clarification tourne à la destruction du camp macroniste, décidée par le président de la République en personne. « En fait, on a été licenciés à la télévision un dimanche soir par le président de la République », résume dans L'Opinion une ex-conseillère parlementaire de la majorité présidentielle. « Il a cassé son jouet », renchérit une responsable de la première heure du mouvement En Marche. Emmanuel Macron n'a jamais aimé les troupes de son parti qu'il a ignorées à la minute où il est entré à l'Élysée. L'effondrement prévu du bloc central, identifié par tous les instituts de sondages, confirme ce qui a été analysé de près depuis 2017 : le cheminement personnel de Macron ne croise pas la route de l'intérêt général.
"Qui trop embrase, mal éteint" : telle est la limite du pompier pyromane. Nous y sommes. Après avoir démontré brillamment ces dernières années - et surtout dans le domaine extérieur - que l'on pouvait être à la fois très intelligent et mener une politique imbécile, on assiste à une nouvelle facette du chef de l'État : la jubilation destructrice. Le président Instagram enchaîne les stories les unes après les autres. On retient son souffle en attendant les prochains épisodes. Emmanuel Macron ne recule devant rien, surtout quand le risque est grand, c'est d'ailleurs à cela qu'on le reconnaît.
Qu'il s'agisse du partage de la force nucléaire en Europe, de l'envoi de troupes au sol en Ukraine, ou d'une coalition anti-Hamas composée des pays de la coalition anti-Daesh, la liste est longue des inepties politiques jetées dans la fosse commune des idées présidentielles sans lendemain. Sans vergogne, Emmanuel Macron a récemment prôné la création d'un groupe de discussions entre plusieurs puissances pour trouver l'apaisement au Liban dans lequel il a placé d'office Israël et ce après avoir banni les entreprises israéliennes du salon de la sécurité et de la défense à Eurosatory, un boycott cassé par la justice. Les responsables israéliens sont restés stupéfaits et le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant a renvoyé sans ménagement le président français dans ses cordes.
Sur le plan politique, la décision de dissoudre sur le mode bravache - « qu'ils s'organisent à gauche, on va les voir à l'œuvre » - est revenue en boomerang. Cela est dû à la méconnaissance par Macron d'un élément constitutif à gauche : la gauche sait se réconcilier au quart de tour pour sauver des sièges. Sans états d'âme et sans préjuger de l'avenir. C'est ainsi que seuls les familiers de la gauche savent que les leaders du soi-disant nouveau front populaire, qui se congratulent sur les scènes des meetings unitaires, n'ont en réalité qu'un seul projet en tête : éliminer l'autre pour prendre sa place. C'est la gauche Coppola : il faut revoir les grandes scènes de réunion familiale dans les opus du Parrain pour se rappeler que la fin est un rituel : le bain de sang. Les stratèges de la présidence n'ont pas vu cela et donc ont été surpris par la mise en ordre de bataille très rapide à gauche. La recomposition politique aurait pu prendre 3 ans, elle a donc pris 3 jours. Le 7 juillet, quelle que soit le résultat, le macronisme disparaîtra pour laisser la place au retour du clivage droite-gauche.
Le « en même temps » était un contretemps, fin de partie.