Un syndicat d’enseignants-chercheurs demande le retrait d’un sondage sur l’antisémitisme jugé "biaisé"
Le questionnaire s’intéresse également aux opinions personnelles des répondants concernant les juifs, l’État d’Israël, le conflit israélo-palestinien ou encore le Hamas


Le Snesup-FSU, principal syndicat des enseignants-chercheurs, a dénoncé dimanche un sondage sur l’antisémitisme diffusé dans l’enseignement supérieur à la demande du ministère, réclamant son retrait immédiat. Le questionnaire, destiné aux personnels universitaires, a été conçu dans le cadre d’une étude confiée au Cevipof, annoncée fin avril par le ministre Philippe Baptiste. Il s’inscrit dans un vaste programme visant à analyser les perceptions et les dynamiques liées à l’antisémitisme dans les campus, à travers deux enquêtes parallèles auprès des étudiants et des personnels.
Selon un courrier du 18 novembre, révélé par Le Monde et relayé sur les réseaux sociaux, les présidents d’universités et responsables d’organismes de recherche sont invités à transmettre le lien du questionnaire à l’ensemble de leurs équipes. Le Snesup-FSU s’inquiète toutefois de la nature des questions, estimant qu’elles visent à dresser une "cartographie politique" du milieu académique plutôt qu’à évaluer les expériences d’antisémitisme. Emmanuel de Lescure, secrétaire général du syndicat, évoque une étude "illégitime" et met en doute la réalité de l’anonymat garanti par le ministère.
Réalisé par l’Ifop, le questionnaire s’intéresse non seulement aux situations d’antisémitisme auxquelles les répondants auraient pu assister, mais aussi à leurs opinions personnelles concernant les juifs, l’État d’Israël, le conflit israélo-palestinien ou encore le Hamas. Certaines formulations interrogent particulièrement, comme la question : "Les juifs ont-ils une part de responsabilité dans l’antisémitisme existant en France ?" D’autres items demandent d’évaluer la véracité d’affirmations stéréotypées, par exemple : "Les juifs sont plus riches que la moyenne des Français."
Les participants doivent également fournir de nombreuses données personnelles, âge, code postal, type d’établissement, fonctions, niveau de diplôme, ainsi que leur positionnement politique. Pour plusieurs universitaires, cette dimension pose problème. Le politologue Emilien Houard-Vial dénonce un risque de "fichage politique" susceptible d’alimenter des polémiques médiatiques. Le député insoumis Hadrien Clouet a lui aussi fustigé sur X une initiative qu’il compare à un "grand fichage" des agents publics.
Face à la polémique croissante, le ministère de l’Enseignement supérieur a indiqué à l’AFP qu’il vérifiait les conditions dans lesquelles l’enquête a été élaborée et les données collectées. Cette controverse intervient alors qu’une loi adoptée en juillet renforce la lutte contre l’antisémitisme dans les universités, en rendant notamment obligatoire la nomination d’un référent dédié dans chaque établissement.